C’est pendant l’été 1946 qu’a lieu l’exposition de la Tapisserie et que la foule française se rend compte à quel point l’art français est important. Les visiteurs sont conquis.
Beaucoup ont déjà vu dans nos cathédrales, nos églises ou musées certaines réalisations. Mais voir autant d’œuvres somptueuses réunis au palais de Tokyo était alors chose inédite. Venues de toutes les régions, tirées de nos réserves, cette multitude d’incomparables pièces enchante les visiteurs.
Oui, la tapisserie est un art français. Beaucoup de crises l’ont accablé et certaines époques l’ont même méconnu. Mais durant cinq siècles, tant d’épreuves ne l’ont pas empêché de produire des chefs d’œuvre.
En France, la plus ancienne relique date du XIe siècle. Pourtant, nous savons que des manufactures existaient bien avant cette époque. Mais les ravages du temps, l’usure, la lumière, l’humidité, la matière et les insectes les vouaient à la destruction.
La tapisserie de Bayeux est la première à être tissée sur un métier. Elle est capitale dans l’histoire des points de la laine. C’est une bande, brodée aux points, mesurant 70,34 M de longueur sur 50CM de hauteur. Elle retrace l’histoire de la conquête de l’Angleterre par guillaume le Conquérant et date de la seconde moitié du XIe siècle. La bataille de Hasting, qui clôtura la campagne, eut lieu en 1066. Tout porte à croire que la broderie fut entreprise peu après pour commémorer le grand événement.
En chiffre : 623 personnages, 202 chevaux et mulets, 505 autres animaux de toutes sortes, 41 bateaux, 49 arbres. Riche en détails, tel est le fil de cette chronique du temps, abondante, nourrie d’épisodes. Cette suite de scènes s’enchaine sans une pause. La fantaisie ne règne pas moins que la vérité. L’action est partout. Pas un vide.
Il y a bien de la naïveté encore dans toute l’œuvre, mais déjà, en dépit de l’influence byzantine, s’annonce un réalisme qui va caractériser avec tant de verdeur tout l’art de notre moyen âge.
Bien que d’autres manufactures existent, nous resterons 3 siècles sans posséder un seul morceau de tapisserie.
Nous savons que des « Tapis sarrasinois » et « Tapis Nostrez », d’après les écrits étaient fabriqués mais il est difficile, d’en connaitre le caractère de leur productions…
Rien de cette époque d’élaboration créatrice ne nous est parvenu.
Nous connaissons les ravages des mites. Mais l’emploi qu’on faisait alors des tapisseries n’était pas une moins grande menace. Bien que somptueuses, elles ne servaient pas qu’à couvrir les murs. Nos ancêtres, dans leurs demeures, leurs châteaux et manoirs, s’en servaient même pour diviser les grandes pièces afin de réduire l’espace et que la cheminée réchauffe plus vite ses espaces rétrécis. La nuit elles envelopperont le lit.
Elles suivent les rois, les princes et les grands seigneurs dans leurs voyages.
Elles les accompagnent partout trimbalées sur des chevaux et des mulets…
A l’arrivée, livrées aux valets, elles constitueront le décor des festins, des tournois…
Clouées, déclouées, exposées aux intempéries, aux hasards des routes, voilà comment elles ont traversées les siècles !
Seules quelques pièces auront été sauvées, car abritées sous une voute de cathédrale ou gardée dans une abbaye…