Le tapis d’Orient

Le tissage oriental

Durant des siècles la production des tapis d’Orient fut exclusivement familiale. Les femmes s’occupaient du tissage tandis que les hommes recueillaient les produits tinctoriaux d’origine naturelle. L’épouse dessinait sur le sol un dessin rudimentaire et assortissait les laines, désignant parfois dans une sorte de mélopée les couleurs à employer et le nombre de nœuds. Avec un matériel très rudimentaire on produisait des chefs d’œuvres.

Le principe du tissage n’a pas varié depuis les temps les plus reculés. Deux madriers verticaux supportent deux rouleaux de bois pivotants, sur lesquels sont tendus symétriquement les fils qui formeront l’armature du tapis. Les écheveaux de laine sont suspendus à une corde au dessus des ouvrières. Le travail consiste à nouer des brins de laine sur la chaîne de façon à former le velours du tapis. Après chaque rangée de nœuds, des fils transversaux ou trames sont passés au travers du croisement des chaînes séparées par moitié à l’aide d’une barre de bois. Ces trames viennent serrer les nœuds et les fixent. A l’aide d’un peigne de bois ou de fer l’ouvrière tasse les rangées pour obtenir le serrage désiré.

Toute la famille, homme, femme et enfants s’occupe du tissage. En Asie Mineure, les enfants de 5 ans même y travaillent, en Perse ils commencent à l’âge de 10 ans.
Deux sortes de nœuds sont couramment employés. Le nœud Ghiordes et le nœud Sehné. L’Asie Mineure et le Caucase utilisent presque exclusivement le nœud Ghiordes. La Perse emploie les deux.

noeuds

Un tapis de serrage moyen comprend 2 000 points au dm2. Une ouvrière exécute en moyenne douze nœuds à la minute soit 720 nœuds à l’heure ou 8 000 par jours en tenant compte du temps nécessaire au passage des trames, au tassement des rangées. Une journée de 12 heures d’un travail assidu ne représente donc que 4 dm2. Que dire alors des qualités très fines comme les Sehné, les Sarouck, les Keshan, qui comptent 10 nœuds minuscules au c/m, soit 10 000 au dm2 et pour lesquels un travail continu d’une journée ne donne qu’un petit rectangle de 8c/m X 10c/m.

L’art des teintures de tapis

L’extrême solidité des tapis d’Orient est due à l’emploi des plus belles laines et des colorants naturels. Ceux-ci ont subi l’épreuve des siècles et préservent souvent la laine plutôt que de la détruire comme le font les teintures d’aniline, presque exclusivement employés de nos jours.

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Les secrets de teinture à l’aide de produits tinctoriaux, végétaux et minéraux, étaient gardés jalousement et transmis de famille en famille. Ces produits provenaient généralement des contrées environnant le lieu de la fabrication, leur valeur dépendait beaucoup du climat et de la nature du sol. C’est ainsi que certaines teintures de même origine sont supérieures les unes aux autres. Beaucoup de teintures végétales fanent à l’usage, mais elles se décolorent agréablement en augmentant le moelleux des coloris.

Les teintes qui tiennent le mieux sont les bleus, les jaunes, les rouges qui subissent à peine les atteintes du temps. Les bruns perdent relativement vite leur intensité, et les noirs qui proviennent de produits minéraux généralement corrosifs rongent insensiblement la laine. Pour ce dernier coloris, la constatation est facile à faire car les parties noires des tapis anciens apparaissent nettement en creux. Pour remédier à cet inconvénient le poil de chameau très résistant est employé en teinte naturelle dans les motifs noirs et bruns.

L’emploi des teintures d’aniline en Orient s’est malheureusement développé d’une façon considérable. En 1903 une loi fut édictée par le gouvernement persan défendant l’importation des colorants chimiques et décrétant la fermeture des fabriques où ils seraient employés. Elle condamnait le teinturier pris en faute à avoir la main droite coupée. En peu de temps elle tomba en désuétude ; on peut dire que 80% de la production actuelle de l’Asie Mineure par exemple ou l’on a toute liberté d’employer les produits d’aniline, les utilise.

Voici les teintures naturelles qui étaient le plus couramment employées :

Rouge : Le « kerme » sorte de carmin provenant d’insectes vivant dans les chênes. La cochenille obtenue par la préparation d’insectes que l’on trouve dans les « cachis » au Mexique. La garance, cultivée. Ces différents produits donne aussi toute la gamme des roses.

Bleu : Indigo : plante qui croît aux Indes, traitée à l’aide d’une solution d’acide sulfurique additionnée d’alun.

Jaune : Safran et racine de sumac. La teinte orangée est tirée du héné.

Brun : Noix de Galles.

Noir : Pas de source animale ou végétale pour ce coloris… On utilise le produit de réaction du fer rongé par du vinaigre ou par du jus d’écorce de grenade.

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Le mélange de ces différentes teintures, qui constituent les couleurs de base, permet d’obtenir toutes les autres colorations.

Comment procéder au lavage de ces tapis ?

Les tapis d’Orient, au moment de leur fabrication, ont presque souvent des teintes très vives. Les orientaux voient les coloris par rapport à la luminosité de leur pays ou règne un soleil éclatant. D’autre part, ils estiment que les couleurs vives, qui nécessitent une forte dose de teinture tiendront mieux à l’usage, quitte à en atténuer ensuite l’éclat par un lavage.

Les tapis sont souvent décolorés ou vieillis artificiellement, mais cette opération est souvent faite au détriment de la qualité. Cela se pratique maintenant couramment en Orient ; lorsque cette manipulation n’a pas été faite au pays d’origine, on l’exécute en Europe.

Pour atténuer les tons trop vifs, on utilise le chlorure de Chaux, l’acide oxalique et le jus de citron. Pour donner une apparence d’ancienneté, le marc de café. Pour obtenir un brillant artificiel, on les passe entre deux rouleaux chauffés après les avoir enduits de glycérine ou de paraffine. Souvent, on les enterre quelques temps pour les patiner. L’usage de la peinture à l’eau est assez fréquent pour maquiller les parties atteintes par les acides lorsqu’ils ont agi trop fortement.

Certains tapis dont il est nécessaire d’adoucir simplement les coloris sont lavés à l’eau additionnée d’alcali. Dans ce cas, le lavage peut être considéré comme une opération normale de finition. Il s’agit en somme de l’enlèvement d’un excédent de teinture et de la fixation du reste.

Il est d’usage de croire que seules les couleurs d’aniline déteignent à l’eau, c’est une erreur. Un tapis coloré d’après les procédés actuels de teinture chimique est comparativement plus résistant à l’eau qu’un autre, teint aux couleurs végétales, mais qui n’aurait encore subi aucun lavage. Certaines couleurs végétales spécialement les bleus, les rouges, et les verts déteindront. Après un seul lavage, elles seront fixées définitivement.

Les parties claires d’un tapis sont presque toujours cernées par les autres coloris après le lavage, s’il a été teint avec des colorants chimiques ou avec des produits de mauvaise qualité.